Introduction
Le projet O’Cézeaux est un programme de connaissance et de suivi des populations d’orchidées du campus universitaire des Cézeaux (Aubière) lancé en 2019 sur l’initiative de Boris Fumanal (PIAF-INRAE ; ADNA) et d’Alain Falvard (FFO) accompagné par les étudiants bénévoles de l’ADNA.
Lors du lancement du projet O’Cézeaux en 2019 un premier inventaire a été mené par Alain Falvard et avait pu mener à une action de protection des pelouses de l’École universitaire de Physique et Ingénierie (EUPI) et des laboratoires qui lui sont associés. Cet inventaire avait permis de montrer la présence sur le campus d’Ophrys apifera Hud. (Ophrys abeille), de Himantoglossum hircinum L. Sprengel (Orchis bouc) et de Anacamptis pyramidalis L. Richard (Orchis pyramidal). Cette action avait fait l’objet d’un article publié dans l’Orchis Arverne en 2020 (Falvard et al. 2020). Article O’Cézeaux 2019
L’année 2024 marque un jalon important pour ce projet avec la mise en place d’un inventaire étendu à l’ensemble du campus et une gestion améliorée pour permettre la floraison et la fructification des orchidées.



Matériel et méthode
Un inventaire ciblé sur les taxa d’Orchidacées est effectué sur l’emprise du campus universitaire des Cézeaux. Les objectifs de cet inventaire sont de reconnaître et de géoréférencer les orchidées rencontrées en termes de diversité spécifique et d’abondance. L’inventaire est réalisé à vue, à pied sur les espaces verts et en référençant sur un maillage de 10 mètres par 10 mètres disposé à l’échelle du campus les positions et les abondances des individus ou stations rencontrés selon un code couleur attribué à chaque espèce déjà connue (Fig. 1).
Cet inventaire a pris place en février 2024 (phase 1) et en juin 2024 (phase 2). L’inventaire est réalisé par le référent O’Cézeaux (Antonin Voisin en 2023-24) rejoint ponctuellement par d’autres bénévoles de l’ADNA. Cet inventaire a nécessité 9 heures étalées sur 1 semaine pour la phase 1. La phase 2 a été effectuée par le référent O’Cézeaux et par Alain Falvard (FFO) avec la Flore d’Auvergne (Grenier 1992) pour l’identification des espèces et à dire d’expert pour les infrataxons d’Ophrys apifera Huds.
À partir des données de la phase 1 il est choisi des taxa d’intérêt signalés au moyen d’un piquet de fer surmonté d’un ruban orange ou d’un piquet plastique rouge (voir fig. 1a et 1b). Pour 2024, les taxa d’intérêt ont été Ophrys apifera Huds. (présence d’infrataxon rare connue sur le campus, peu de station répertoriée) et Anacamptis pyramidalis (L.) Rich. (peu de stations connues, peu d’individus connu). Cette liste a été complétée du fait de la découverte fortuite de nouveaux individus et stations non répertoriées lors de la phase 1 (Ophrys apifera sl., Ophrys scolopax sl., Orchis anthropophora (L.) All.).


Exemple de piquetage
Résultat pour la campagne 2024
L’inventaire montre la présence de 5 espèces de la famille des Orchidacées : Anacamptis pyramidalis (L.) Rich.(Orchis pyramidal), Himantoglossum hircinum (L.) Spreng (Orchis bouc), Ophrys apifera (Ophrys abeille) Hud., Ophrys scolopax sl. (Ophrys bécasse) et Orchis anthropophora (L.) All . (Orchis homme-pendu).


Une carte permettant de visualiser les stations d’Orchidées observées par maille de 10 par 10 mètres est accessible ci-dessous :
Discussion
La gestion des espaces verts a un très fort impact sur le développement des orchidées et leur pérennité dans le temps. En effet, le cycle de vie long des orchidées (> 6 mois) est sensible aux perturbations comme le piétinement ou la fauche. Les signalements des orchidées à ne pas faucher ont pour la plupart été suivis (exemple de la station de la pelouse EUPI sud avec la présence de 2 piquets qui ont permis de conserver un carré de 2 mètres par 2 mètres jusqu’à la saison de floraison). Néanmoins nous avons pu constater quelques échecs dans la conservation des stations tout au long du cycle de vie (tonte précoce du verger conservatoire, fauche au ras d’un piquet de signalement sur une pelouse devant le Laboratoire Magma et Volcans, tonte de la station d’Orchis homme-pendu à proximité de Polytech malgré un signalement et un évitement une première fois, travaux ayant conduit à la destruction d’une station d’Ophrys abeille entre le pôle physique et le bâtiment de mathématique).
Ces évènements montrent ainsi l’importance de la création d’un plan de gestion de ces espaces prenant en compte les enjeux paysagers et de biodiversité et la cartographie précise des espèces d’intérêt et à protéger.
A noter aussi que nous ne connaissons sûrement pas encore toutes la diversité des orchidées du campus et les différentes localisations des espèces connues. On peut s’en rendre compte au travers des découvertes que nous avons pu faire cette année à savoir : une station de 5 pieds d’Orchis homme-pendu (Polytech), une importante station d’Ophrys abeille de l’avenue Blaise Pascal nord, le signalement d’une population très importante de cette même espèce dans un patio du bâtiment chimie 3. Ces constations renforcent encore une fois l’importance d’un dialogue avec les services de l’UCA, et d’une mise à disposition des informations via une cartographie, pour participer à la pérennisation des populations d’Orchidées sur le campus Universitaire des Cézeaux.
Les populations d’Orchidées toute espèce confondue (hors Orchis bouc) semblent en voie de régression (obs. Alain Falvard). Cette tendance peut être mise en lien avec les travaux récents qui ont eu lieu sur le campus, la fermeture progressive des milieux par une strate herbacée dans certains secteurs (fauche tardive) ou à l’inverse des tontes trop rases à certaines périodes sensibles pour ces espèces, ou encore tout simplement le piétinement de nouveaux secteurs en lien avec les nouveaux aménagements réalisés sur le campus.
Plusieurs pistes de réflexions peuvent être avancées pour tenter de réduire les impacts négatifs sur les populations d’orchidées :
- Fauche raisonnée
Ne pas tondre trop ras en fin d’hiver quand les rosettes sont grandes, et ne pas tondre dans certains secteurs clés présentant des populations à préserver en mars-avril quand les plantes sont en train de fleurir/fructifier.
- Fauche avec récupération des déchets verts
Cette solution permettrait de limiter l’enrichissement en nutriments du sol provoqué par le développement d’une strate herbacée dense.
- Sensibilisation des usagers et mise en défend
Mise en place de panneaux pédagogiques au niveau de quelques stations choisies et protection des zones ou individus remarquables.
Conclusion
Cette seconde édition du projet O’Cézeaux permet de suivre et de préciser la diversité du taxa des Orchidacées sur le campus universitaire des Cézeaux. En plus des 3 espèces déjà observées dans la première étude, Anacamptis pyramidalis (L.) Rich., Himantoglossum hircinum (L.) Spreng, Ophrys apifera Huds., 2 nouvelles espèces ont été inventoriées Ophrys scolopax sl. et Orchis anthropophora (L.) All ainsi que plusieurs variétés de l’Ophrys abeille (aurita, friburgensis, curviflora).
La variété Ophrys apifera var botteronii (Chodat) Brand n’a pas été revue en fleur au niveau de la station indiquée par Alain Falvard en 2020 probablement en raison de la fauche ou du piétinement. Toutefois un pied de la variété friburgensis, proche morphologiquement de botteronii, a été observé en 2024 ailleurs dans le périmètre proche de l’EUPI.
Le projet O’Cézeaux peut être considéré comme un exemple réussi d’action de connaissance et de conservation de la biodiversité par une association étudiante sur un campus universitaire. Fort de ce constat, il semble important de poursuivre ce suivi sur le long terme afin de pérenniser les populations d’orchidées du campus universitaire des Cézeaux. Ce projet représente aussi l’illustration d’une action simple en faveur de la biodiversité.
Le futur de ce projet s’inscrit nécessairement dans la construction d’un dialogue avec l’Université Clermont Auvergne et en particulier avec les services techniques en charge des entretiens des espaces verts du campus des Cézeaux. En effet la contrainte majeure exercée sur les populations d’Orchidées concerne la réalisation de fauche trop précoce ou à l’opposé la fermeture de milieu par enrichissement du sol en éléments nutritifs. Ce projet pourrait ainsi servir de porte d’entrée pour créer une gestion différenciée des espaces verts favorable au développement de la biodiversité dans toute sa complexité.
Bibliographie
Grenier E., 1992. Flore d’Auvergne. Société Linnéenne de Lyon, Lyon, 655 p.
Arrêté du 30 mars 1990 relatif à la liste des espèces végétales protégées en région Auvergne complétant la liste nationale, JOFR , n°108 du 10 mai 1990 [En ligne] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000349624/ (23/06/2024).
Muséum national d’Histoire naturelle & OFB [Ed]. 2003-2024. Inventaire national du patrimoine naturel (INPN). [En ligne] https://inpn.mnhn.fr/accueil/index. (08/06/2024)
Tela Botanica : base de données e-flore. [En ligne] https://www.tela-botanica.org (08/06/2024)
Falvard A., Fumanal B., Berard A., Massyl B., Robin L-A., 2020. Action conjointe de la SFO-A et de l’ADNA pour la conservation des Orchidées du Campus Universitaire des Cézeaux. Bulletin de l’orchis Arverne (21), 38-39.